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ITW Caroline Leboucher - DG d'Atout France

Résumé

ITW de Caroline Leboucher, Directrice Générale d'Atout France, agence de développement touristique de la France. 

Entretien avec Caroline Leboucher,

Directrice Générale d'Atout France

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Que représente la filière vitivinicole pour le tourisme français ?

Bordeaux, Champagne, Bourgogne… sont quelques exemples de noms qui font la renommée de la France et de son art de vivre à l’international. Les vins français, dont la diversité et la qualité sont reconnus dans le monde entier, font partie intégrante de notre patrimoine culturel. Ils constituent l’un des facteurs majeurs de l’attractivité de la France, au même titre que la gastronomie, et reflètent la diversité des terroirs viticoles et des paysages de nos régions.

La diversité des prestations qu’inclut l’œnotourisme est à l’image de la diversité de nos terroirs viticoles : si cette activité est essentiellement centrée sur la découverte du vin, via la rencontre entre touristes et vignerons, la dégustation, la vente de vin et les activités de découverte du vignoble sur leur exploitation,le périmètre de l’œnotourisme peut aller bien au-delà et englober des produits ou activités tels que des visites de villages viticoles ou de sites culturels, la participation à des évènements, l’accueil en chambres d’hôtes chez les exploitants, etc. La filière oenotouristique permet de faire vivre aux touristes, au cœur de nos destinations viticoles, une expérience unique liée à notre art de vivre et renforce donc l’attractivité de la destination France. Elle favorise aussi la découverte de nos savoir-faire viticoles et contribue à l’exportation de nos vins.

En France, avant la crise sanitaire, la filière connaissait un vif succès auprès des visiteurs avec 10 millions d’œnotouristes par an, pour un volume de recettes estimé à 5,2 milliards d’euros[1]. L’œnotourisme est un secteur très dynamique où les marges de développement sont encore très importantes. Lorsque l’on sait que près de 90 millions de touristes internationaux ont visité la France en 2019, il est logique d’espérer davantage d’œnotouristes internationaux que les 4,2 millions accueillis actuellement en moyenne chaque année. 

 


[1] Les chiffres de l’œnotourisme en France, Atout France, 2017

Quelles sont vos observations de l’impact de la crise sanitaire sur l’œnotourisme ?

La crise que nous traversons n’a épargné aucun marché. Avec le passage au stade pandémique et les mesures de confinement adoptées par tous, l’activité touristique au sens large s’est arrêtée. En toute logique, ces mesures ont été suivies d’un effondrement brutal de la vente directe à la propriété et des ventes en CHR, fragilisant particulièrement les petites et moyennes exploitations sans accès à la grande distribution.

Face à cette crise globale, la filière a mis en place un certain nombre de stratégies de résistance notamment en s’appuyant sur le digital :

  •  d’une part, pour continuer de vendre : nous avons assisté à une explosion de la vente en ligne ;
  • d’autre part, pour maintenir voire approfondir le lien avec les clientèles  : à ce titre, on peut citer de multiples initiatives comme les « Happy hour chat show », les « Meet the winemakers », les visites et dégustation virtuelles ou encore les webinaires mis en place, par exemple, par les Wine Communicators of Australia.

Ce bond digital pour la filière viticole et pour l’œnotourisme s’est aussi illustré par de gros efforts dans l’adaptation des stratégies de communication ainsi que le témoignage d’une grande solidarité de la part des acteurs de la filière vis-à-vis de leurs territoires et des personnels en lutte contre l’épidémie. Parmi les nombreuses initiatives, on retient notamment la réorientation des outils de production vers la fabrication de gel hydroalcoolique, l’organisation de ventes aux enchères au profit des Ephad ou encore la distribution de séjours oenotouristiques aux familles de soignants.

Dans l’immédiat et au niveau mondial, c’est une reprise en douceur qui se dessine plutôt qu’un redémarrage massif. La réouverture progressive des frontières et des connexions entre marchés laissait prévoir une saison qui se ferait essentiellement autour des clientèles de proximité voire d’ultra proximité (ce que les américains appellent le phénomène de nearcation). Par ailleurs, il ne faut pas négliger le fait que la consommation touristique peut revêtir un caractère presque militant dans le sens où, en période de crise, les touristes peuvent aussi décider de soutenir les acteurs de leur environnement de proximité encourageant ainsi davantage cette tendance au localisme.

Un des grands axes de cette reprise oenotouristique est la question sanitaire. Partout dans le monde, des protocoles sanitaires, tels que celui élaboré par Vin & Société, visent à permettre une réouverture au public dans des conditions de sécurité maximales.Cet effort de réassurance sanitaire est une tendance majeure de l’après-covid. Dans ce cadre, nous pensons que l’œnotourisme a une véritable carte à jouer : en effet, l’œnotourisme se prête particulièrement bien à l’intimisme et aux très petits groupes. Il peut très largement se pratiquer à l’extérieur, au moins pendant la saison estivale, et des solutions assez simples comme les crachoirs individuels peuvent être mis en place pour rassurer les clientèles sur la dégustation.

Nous savons également qu’en période de crise, les arbitrages des consommateurs entre premium et rapport qualité/prix se font plutôt en faveur de ce dernier. On peut donc estimer que l’immédiat après-covid soit plus propice aux offres centrées sur le rapport qualité/prix, particulièrement sur les marchés dits « price sensitive » comme les marchés anglo-saxons.  

Par ailleurs, on peut aussi penser que les clientèles les plus âgées et donc plus exposées aux formes graves de la Covid soient moins enclines à voyager. Ceci entraînerait mécaniquement un rajeunissement des clientèles oenotouristiques et donc une nécessaire adaptation de l’offre en conséquence.

Enfin, cette crise a créé un climat très anxiogène dans tous les pays. Il est probable qu’au sortir de l’épidémie, les clientèles soient très largement en recherche de plus de légèreté :  l’œnotourisme devra se réinventer pour répondre à cette demande.

 

Atout France a lancé la campagne #CetEteJeVisiteLaFrance. Le dynamisme du tourisme national est-il au rendez-vous ? Avez-vous déjà des résultats à partager ?

Nos premiers chiffres nous montrent que le tourisme français résiste plutôt bien, notamment grâce :

  • à la solidité de son marché domestique,
  • à la bonne tenue de certains marchés européens (Belgique et Pays-Bas notamment),
  • à la diversité de son offre qui a permis à de nombreuses destinations d’attirer des clientèles à la recherche de nature, d’espace et d’activités de loisirs.

Plus que jamais, le contexte sanitaire influe cependant sur les décisions de départ avec des réservations toujours plus à la dernière minute, des annulations en fonction des annonces sanitaires  et une très grande hétérogénéité des performances suivant les destinations et les gammes d’établissements.

C’est précisément pour cela qu’Atout France a lancé dès le 19 juin 2020 la campagne #CetÉtéJeVisiteLaFrance, conçue pour associer de très nombreux acteurs publics et privés du tourisme, afin de rassurer les vacanciers sur les protocoles sanitaires mis en œuvre par les acteurs du secteur. Elle vise également à inspirer les Français cet été en les informant sur l’offre à leur disposition, en leur suggérant de nouvelles destinations et thématiques de visite "hors des sentiers battus".

En utilisant des leviers de marketing d’influence, ce ne sont pas moins de 43 voyages qui ont été  co-organisés avec les CRT, sur tout le territoire français, et notamment dans les régions viticoles. Au 20 août, 15 accueils sur les 18 ont été réalisés avec les Tops influenceurs et 20 accueils sur les 25 ont été réalisés avec les micro-influenceurs. 1000 nano-influenceurs en cours de vacances en France sont également autant de relais d’opinion de la campagne et du #CetÉtéJeVisiteLaFrance auprès de cibles sensibles à leurs recommandations.

Au 20 août 2020, les premiers résultats sont prometteurs avec plus d’un million de visites sur le social wall de la campagne, 100 000 utilisations de l’hashtag #CetÉtéJeVisiteLaFrance et pratiquement 10 millions de vues sur les vidéos produites dans le cadre de la campagne.

 

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Avez-vous réalisé d’autres investissements pour le développement de l’œnotourisme ?

Atout France est investie au côté des socioprofessionnels depuis le début années 2000 notamment à travers l’action de son pôle œnotourisme qui regroupe les acteurs clés des filières viticole et touristique. L’action de ce pôle est axée autour de grands objectifs : structurer l’offre française, former les professionnels, développer l’intelligence économique propre à la filière afin de favoriser l’investissement, stimuler la demande internationale.

Au-delà de l’organisation des premières Assises nationales de l’œnotourisme et des mesures qui en découlent (comme la clarification sur les vendanges touristiques), le pôle œnotourisme est à l’origine d’opérations qui sont devenues des références au sein de la filière. Je pense notamment au workshop Destination Vignobles (le seul salon professionnel dédié à la commercialisation de l’offre oenotouristique française à l’international), au site visitfrenchwine.com et ses déclinaisons sur les réseaux sociaux ou encore aux études Tourisme & Vin. Atout France a également créé les Trophées de l’Œnotourisme aux côtés du magazine Terre de Vins et du Crédit Agricole.

Par ailleurs, Atout France est également chargée de la gestion du label Vignobles & Découvertes pour le compte des ministères chargés de l’agriculture et du tourisme. Aujourd’hui le label compte 71 destinations constituées d’un réseau de plus de 5 000 entreprises labélisées.

 

Pouvez-vous nous parler plus en détails du label « Vignobles et Découvertes » ? Qu’est-ce que ce label apporte aux visiteurs ?

Un vignoble s’inscrit dans un territoire touristique avec lequel il doit conjuguer ses talents pour se mettre en valeur et réciproquement. En matière d’œnotourisme, il importe de jouer la carte de la destination, de ses spécificités, terroirs et paysages. En effet, il est rare qu’un touriste choisisse un but de séjour « par hasard », bien au contraire il se détermine en fonction de ce qu’il y aura à découvrir et des moyens de se loger et de se déplacer. C’est dans cet esprit qu’a été lancé en 2009 le label « Vignobles & Découvertes », afin de structurer l’offre oenotouristique française. Il est attribué pour une durée de 3 ans par Atout France après instruction par Atout France et recommandation du Conseil Supérieur de l’Œnotourisme présidé par Hervé Novelli. Aujourd’hui, 71 destinations disposent de ce label national et rassemblent un réseau de près de 5 000 entreprises : hébergements, restaurants, caves, sites patrimoniaux, activités, événements… Les visiteurs ont ainsi à leur disposition les éléments essentiels à la réussite d’un séjour de qualité dans les vignobles français.

Pour le visiteur, le label Vignobles & Découvertes permet de préparer plus facilement ses week-ends et courts séjours dans le vignoble grâce à des prestations et des services soigneusement sélectionnés. L'ensemble des prestations affichant le label Vignobles & Découvertes respecte de nombreuses exigences comme une qualité d’accueil en français ou dans une langue étrangère, une sensibilité toute particulière à l’univers du vin, le goût de la transmission, l’authenticité, ou encore l’ouverture au patrimoine naturel, culturel et humain. Le visiteur dénichera ainsi plus facilement un hébergement au cœur des vignes, un restaurant proposant des accords mets et vins, une carte privilégiant les produits locaux ou encore des caves prêtes à les recevoir. Une sélection de sites patrimoniaux remarquables, d’activités et d’événements est également proposée pour varier les plaisirs et découvrir tous les trésors et savoir-faire locaux.

 

Pensez-vous que la France doive s’inspirer de l’œnotourisme « international » ? (Etats-Unis, Afrique du Sud, Australie…)

Nous avons tout intérêt à exercer une veille active sur les pratiques de nos concurrents oenotouristiques et à nous inspirer des innovations qui fleurissent ici et là. Cela dit, on entend souvent que la France accuserait un retard sur la concurrence dans son offre oenotouristique. Ce n’est plus le cas et je nous invite collectivement à nous défaire de ce complexe.  En effet, la France a considérablement investi dans cette offre ces dix dernières années tout en faisant en sorte d’en conserver les spécificités.

Aujourd’hui, l’offre oenotouristique française est capable de répondre aussi bien aux standards internationaux les plus exigeants en offrant des domaines conçus sur le modèle des wineries américaines ou espagnoles tout en étant également en mesure de répondre au localisme le plus affirmé et à la soif de rencontre avec les vignerons, par exemple grâce au réseau des Vignerons Indépendants. Par ailleurs, la France peut s’appuyer sur une incroyable complémentarité de l’œnotourisme avec les autres attraits touristiques de la destination France – la gastronomie, les paysages, la culture, etc… La quasi-totalité des territoires viticoles sont aussi et depuis très longtemps des territoires touristiques, de véritables marques mondiales.

 

Pour en savoir plus sur Atout France : site Atout France

Pour découvrir les territoires viticoles français : #CetEteJeVisiteLaFrance