consommation vin

ITW Renaud Lunardo – Professeur à Kedge BS

Résumé

Entretien avec Renaud Lunardo sur les travaux menés par la Chaire Consommation Responsable de Kedge Business School. 

Entretien avec Renaud Lunardo 

Pourquoi boit-on du vin en France ?

 

Pourquoi boit-on du vin, c’est le sujet de vos travaux conduits dans le cadre de la Chaire dédiée à la consommation responsable créée par Kedge Business School. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nos travaux se sont concentrés sur l’impact des motivations personnelles sur la consommation de vin à travers deux études.

La première a été conduite en 2019 et visait à connaitre l’impact de motivations "négatives" sur la consommation de vin d’un échantillon de Français. Concrètement, il s’agissait des trois motivations suivantes :

  • La motivation suppressive liée au fait de vouloir oublier les aspects négatifs du quotidien ;
  • La motivation désinhibitrice ayant pour but de mettre plus en confiance l’individu qui consomme du vin ;
  • La motivation liée à la pression sociale dictée par le contexte, avec l’idée que l’on consomme davantage quand le contexte nous y incite.

Dans la poursuite de ce même objectif de recherche, la deuxième étude a été menée en février 2021 et a permis de tester, en plus des motivations "négatives" précitées, les deux motivations suivantes :

  • La motivation liée aux croyances envers les bénéfices ou les risques pour la santé de la consommation de vin ;
  • La motivation liée au plaisir et à l’esthétisme de l’expérience de la dégustation du vin.
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D’après le résultat de vos recherches, quelles sont les motivations principales à la consommation de vin en France ?

La deuxième étude a permis de mettre en lumière que les motivations à la consommation de vin relèvent principalement du plaisir, qu’il soit :

  • individuel avec respectivement : « en apprécier le goût » (à 79% d’accord avec cette motivation en moyenne dans l’échantillon), « me faire plaisir » (à 78% d’accord), et « accompagner ce que je mange » (à 75% d’accord),
  • ou social avec respectivement : « partager un bon moment » (à 78% d’accord), et « célébrer une bonne nouvelle » (à 73% d’accord).

A l’inverse, celles dites suppressives, désinhibitrices ou liées à la pression sociale sont les motivations les moins prégnantes lorsqu’il s’agit de consommer du vin. Force est de constater que les Français ont ainsi une vision extrêmement positive du vin.

 

 

Ces motivations diffèrent-elles selon le profil des répondants ?

Ces motivations diffèrent selon le genre du consommateur. Alors que les motivations liées au plaisir évoquées précédemment sont observées tant chez les femmes que chez les hommes, elles sont prépondérantes chez ces dernières. C’est surtout le fait de célébrer une bonne nouvelle qui semble plus déclencheur de consommation chez les femmes (76%) que chez les hommes (70%) qui consomment du vin pour une plus grande diversité de raisons. Parmi ces raisons, choisir un vin pour accompagner un plat particulier est ainsi plus important chez les hommes (78%) que chez les femmes (72%), de même que se sociabiliser à travers la consommation de vin (Hommes = 57% ; Femmes = 47%).

Quel est l’impact de ces motivations sur la consommation de vin ?

Quand la motivation est liée au partage ou à la nouveauté (« essayer quelque chose de nouveau »), cela diminue le volume de consommation quotidienne de vin. A l’inverse, une motivation suppressive ou désinhibitrice, ou une motivation liée à l’accompagnement de ce que l’on mange ou aux bénéfices sur la santé semble en augmenter la consommation.

 

Dans quelle mesure existe-t-il des croyances « santé » en matière de consommation de vin ? 

Les bénéfices perçus de la consommation de vin sur la santé sont relativement faibles, femmes et hommes confondus (de 37% à 43%). Il est à noter que le vin rouge bénéficie d’une meilleure perception par rapport aux autres vins en termes de capacité à augmenter l’espérance de vie.

Les risques perçus de la consommation de vin sur la santé sont quant à eux plus importants. Ils restent toutefois à un niveau médian (de 52% à 68%). On observe une prépondérance de perception de risque en matière de cancer du foie et AVC. Le risque perçu est légèrement plus faible quand il s’agit du vin rosé, celui-ci étant évalué constamment comme le moins risqué.

 

Dans le cadre de votre première étude, vous vous êtes particulièrement intéressé au rapport de personnes narcissiques à la consommation de vin. Comment avez-vous défini ces personnes comme telles et quelle conclusion avez-vous tiré des résultats obtenus ? 

Le niveau de narcissisme des répondants a été mesuré à l’aide de ces quatre items :

  • J’ai tendance à vouloir que les autres m’admirent »
  • J'ai tendance à vouloir que les autres fassent attention à moi »
  • J'ai tendance à attendre des faveurs spéciales des autres »
  • J'ai tendance à rechercher le prestige ou le statut »

Nos résultats mettent en exergue que les consommateurs de vin narcissiques sont plus présents chez les hommes, sont plus instruits, disposent de plus hauts revenus que les non-narcissiques et représentent la majorité de l'échantillon (55,5%). Ce chiffre est d’autant plus important que ces personnes qui conçoivent le vin comme un moyen intéressant de se mettre en avant et d’atteindre ainsi leur but de briller socialement, sont les plus exposées aux risques liés à la consommation de vin. En effet, elles ne perçoivent étonnamment pas de risque pour la santé lorsqu’elles consomment du vin, mais associent au contraire cette consommation à une meilleure santé générale (« Meilleure santé psychique », « Diminution du risque d’obésité », …), ce qui a un impact positif sur leur fréquence de consommation.

 

Sur quels aspects porteront vos prochains travaux ?

La suite de nos travaux continue de traiter du lien entre consommation de vin et santé. Sur la base des travaux en médecine, nous souhaitons examiner la question du lien entre consommation modérée de vin et bonheur. Nous sommes en train de réaliser le questionnaire d’enquête et collecterons les données au mois de mars 2022.