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ITW Laurent David - Président de la Wine Tech

Résumé

ITW de Laurent David, président de la Wine Tech, fondateur de Wine Angels et également néo-vigneron au Château Edmus, Grand Cru de Saint-Emilion.

Entretien avec Laurent David,

Président de la Wine Tech

« Le meilleur temps pour réparer sa toiture, c'est lorsque le soleil brille. » (J.F. Kennedy)

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Quels sont, selon vous, les impacts de la crise Covid-19 sur l’économie du vin ?

Les marchés de l’export et le réseau CHR, sources principales de la distribution de vin, ont été fermés. Cela a eu un impact désastreux pour les ventes !

D’un autre côté, cette crise sanitaire a également bouleversé le comportement des consommateurs, d’une part, qui se sont tournés vers l’achat de vin en ligne. Et d’autre part, cette situation a également changé le comportement des vignerons qui ont été nombreux à ouvrir des boutiques en ligne. Les prochains enjeux seront donc sur la communication et le marketing du vin sur le digital. Comment les vignerons vont-ils gérer leurs images et leurs messages sur les réseaux sociaux ou comment les plateformes d’e-commerce de vin vont-elles garder ces nouveaux clients et élaborer leurs stratégies de réachat ? On peut penser que les consommateurs, ayant passé les étapes décisives de se créer un compte client et d’enregistrer leurs moyens de paiement, seront probablement des clients sur le long terme.

L’impact de cette crise a donc été, selon moi, le changement du parcours d’achat du vin qui va évoluer sur le digital de façon durable dans les prochains mois à venir.

 

Comment le digital, dans cette période de confinement, a-t-il et pourra-t-il aider le secteur vitivinicole ?

« La vente en ligne » était un des seuls canaux ouverts, et les ventes ont explosé : Nicolas annonce 10 fois plus de ventes en ligne et Vivino +26% de croissance en Mars par rapport à leurs prévisions. La création de site web marchands a également fortement augmenté : Prestashop a vu la création de boutiques en ligne bondir de 39% (tous secteurs économiques confondus). Et ce phénomène intègre également la création de site de vente de vins.

En moyenne nous avons constaté un minimum de 50% de croissance des ventes chez nos startups B2C à La WineTech ! Indéniablement, de nouveaux clients auront fait leur premier achat pendant le confinement et l’habitude aura ainsi été créée. Le taux de vente de vin en ligne était de 9% avant le confinement, il n’y a aucun doute que ce chiffre sera dépassé à partir de maintenant, probablement autour de 11%-13%. Cette augmentation des ventes en B2C n’a cependant pas compensé la baisse des ventes en B2B de ces acteurs.

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Les membres de la WineTech se sont-ils concertés pour agir communément ? Des actions ont-elles été menées ?

Les startups de la WineTech sont très agiles et se sont mobilisées pour lancer en quelques jours de très nombreuses initiatives :

  • WiziFarm a recruté plus de 300.000 inscrits avec l’initiative DesBrasPourTonAssiette en partenariat avec Pôle Emploi permettant de pourvoir des emplois dans l’agriculture.
  • Les Grappes a lancé le collectif JaimeMonVigneron pour donner de la visibilité aux boutiques en ligne des vignerons chez qui il était possible d’acheter du vin en direct. 10 startups les ont rejoints et plus de 280 vignerons ont adhéré en quelques jours. Ces vignerons ont reçu des formations gratuites sur la vente en ligne par une agence partenaire.
  • Avec Aveine, le Collectif21 a mobilisé plus de 160 influenceurs, ayant plus de 1,6M de followers, qui ont mis en avant 235 vignerons, notamment ceux du collectif JaimeMonVigneron. Cela a permis à ces vignerons de gagner en visibilité et de faire grandir leurs communautés sur les réseaux.
  • WineFunding a proposé des webinars avec des vignerons qu’ils aident à financer.

Nos startups ont développé de nouveaux formats de communication pour s’adapter à la situation. Une cinquantaine de webinars pour former les vignerons à la communication digitale ont été organisés et des podcasts ont également été produits. Le digital a été un outil précieux pour garder du lien social et continuer à parler du vin et de ceux qui le font en France.

 

Le parcours d’achat digital de vin en France est-il perfectible ? 

C’est encore un secteur en construction qui n’a pas vu de grand leader émerger comme c’est déjà le cas au UK et aux US. Pour l’instant l’offre est large et éclatée et les sites marchands nombreux (507 sites d’e-commerce vendent du vin en ligne en France en 2019 – CNIV). Nous allons certainement assister à une concentration des acteurs dans les années à venir. Il n’existe pas de pure player leader du vin en France comme Amazon peut l’être sur d’autres produits.

Il y a notamment une explication culturelle à ce retard. En France, ça n’est pas compliqué d’acheter du bon vin, nous avons un réseau de distribution dense. Les grandes surfaces ont d’immenses rayons de vins et il y a des cavistes à tous les coins de rues dans les grandes métropoles.

L’enjeu du parcours d’achat digital de vin va être de vendre sur tout le territoire, d’avoir une distribution digitale nationale efficace et à des tarifs intéressants. Cette offre intéressera les petits producteurs de vin, qui n’ont pas assez de volume pour vendre dans les grandes surfaces ou les personnes n’ayant pas accès à un réseau de distribution avec une offre diversifiée.

 

Quels sont les grands défis digitaux dans le secteur du vin ?

Les défis seront au niveau de la distribution tout d’abord, il faudrait que tous les vigneron(ne)s puissent vendre leurs vins en ligne et que les consommateurs puissent trouver facilement leurs références. La communication des vigneron(ne)s va ensuite être un des grands enjeux des prochains mois. Ce changement de mode de promotion va se faire naturellement car pour les nouvelles générations de vigneron(ne)s, l’effort pour utiliser le digital est moindre. Les vigneron(ne)s ont de plus en plus l’habitude de se faire connaître via les réseaux sociaux et d’intégrer l’utilisation de ces outils dans leur quotidien. Nos vignerons font des choses extraordinaires, il faut maintenant qu’ils le fassent savoir en utilisant les outils numériques à leur disposition. Et enfin la digitalisation de la production va être essentielle. Durant la crise, la pénurie de main d’œuvre nous a mis face à la situation urgente de digitaliser notre filière. A l’aide de robots ou d’outils tels que des capteurs pour analyser en temps réel le besoin des vignes, nous pourrions aller plus facilement vers le bio, gagner en efficacité, en gestion de coût et tout ça pourrait faire gagner du temps aux vigneron(ne)s pour se focaliser sur la production de leur vin ou bien leur communication.

La distribution internationale va également être un enjeu dans le futur. Avec la problématique des coûts de transports, des taxes et des réglementations de chaque pays, il est difficile de se positionner en tant que leader de la vente de vins à l’international. Il faudrait déjà que le marché français du e-commerce de vin en France soit mature.

 

Pouvons-nous prendre comme exemple l’écosystème digital d’autres secteurs ?

Avec ce confinement, nous avons vu une digitalisation à marche forcée de tout notre système éducatif : les établissements, les professeurs, les élèves ont fait un bond incroyable dans l’utilisation des outils disponibles car ils n’avaient finalement pas le choix pour continuer à travailler. En quelques jours seulement ils se sont appropriés les outils digitaux mis à leur disposition. La crise sanitaire a donc eu un rôle d’accélérateur à la digitalisation et les acteurs s’y sont adaptés.

Je pense personnellement que beaucoup de vignerons ont également repensé leur approche de la relation client digitale (vente et communication) et que nous verrons dans les mois à venir beaucoup de changements très perceptibles. Le digital a permis de rapprocher les agriculteurs et les consommateurs, de faire comprendre à ces derniers qui sont les personnes derrière leurs bouteilles et comment sont produits les vins qu’ils consomment. Cette période de confinement a été l’occasion pour les vigneron(ne)s d’encore plus montrer leur travail et leur savoir-faire, avec authenticité et transparence.

L’enjeu, suite à cet élan digital, sera de le faire perdurer. C’est maintenant qu’il faut investir dans le digital et il ne faudra pas attendre une prochaine crise. Comme l’a très bien dit John Fitzgerald Kennedy « Le meilleur temps pour réparer sa toiture, c'est lorsque le soleil brille. ».

 

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