Et si on arrêtait de choisir le buzz plutôt que la science ?
TF1 - Quand un média national simplifie à l’excès : Vin & Société remet les faits scientifiques au centre 🔎 🍷

Dans son article « Le risque démarre dès la première goutte », une journaliste de TF1 choisit un titre caricatural et accrocheur mais qui ne reflète ni la complexité des données scientifiques, ni les nuances essentielles entre types de boissons alcoolisées et leurs modes de consommation. Et si on arrêtait de choisir le buzz plutôt que la science ?
👉 1. Un choix de sources qui écarte des travaux majeurs
Malgré l’importante littérature scientifique disponible, la journaliste choisit de s’appuyer essentiellement sur deux études issues d’une même équipe… qui reconnaît pourtant ses conflits d’intérêts[1]. En science, cela s’appelle du cherry picking : sélectionner les travaux qui confortent sa thèse.
Une revue neutre des publications l’aurait pourtant conduite au rapport majeur des Académies américaines des sciences et de médecine (NASEM). Le rapport conclut qu’une consommation modérée d’alcool est associée à une mortalité, toutes causes confondues, réduite de 16 % chez les hommes et les femmes[2].
👉 2. Ne pas confondre : “pas de bénéfice prouvé” ≠ “effet nocif”
Ironie de l’histoire ? Les études citées dans l’article ne démontrent absolument pas que la consommation modérée d’alcool serait délétère. Elles la contredisent même ouvertement en montrant que :
- Une consommation inférieure à 2 verres/jours n’entraîne ni plus ni moins de risque que l’abstinence[3] ;
- Les risques accrus de mortalité n’augmentent qu’à des niveaux très supérieurs aux repères français (« 2 verres maximum par jour, et pas tous les jours »)[4] ;
- La position de l’OMS selon laquelle il n’y aurait aucun niveau sûr de consommation de boissons alcoolisées – « no safe level » a d’ailleurs été récemment critiquée par certains scientifiques[5] : cette affirmation étant été jugée scientifiquement peu étayée.
Ainsi, dire qu’un verre par jour serait nocif revient à interpréter les données au-delà de ce qu’elles démontrent.
👉 3. Une stigmatisation du vin
Les conclusions de l’OMS et de l’article portent sur l’alcool en général, mais le titre stigmatise le vin. Un choix malvenu qui oublie ce qui distingue le vin :
- les spécificités documentées du vin, notamment la richesse en polyphénols [6] ;
- l’impact majeur des modes de consommation (un verre durant le repas ≠ binge drinking)[7] ;
- les données montrent que les pays consommateurs de vin (France, Grèce, Italie, Portugal, Suède) présentent les dommages sanitaires attribuables à l’alcool les plus bas de tout le continent européen ! [8].
👉 4. Des recommandations françaises qui privilégient la nuance
Les autorités sanitaires françaises – Santé publique France, ont fixé des repères clairs : pas plus de 2 verres par jour, et pas tous les jours.
Cette approche est fondée sur la littérature scientifique et s’écarte du slogan « no safe level ». Elle reconnaît que le risque dépend avant tout :
- de la dose,
- de la fréquence,
- du contexte de consommation.
Loin d’une « première goutte » présentée comme intrinsèquement dangereuse, c’est une vision pragmatique et nuancée de la santé publique.
Affirmer que « Le risque démarre dès la première goutte » ne reflète donc pas l’état actuel de la science. La filière vin continue de promouvoir une consommation responsable, équilibrée et éclairée, en cohérence avec les recommandations françaises. 🙏
Sources :
[1] Déclaration de conflit d’intérêts : Tim Stockwell, Adam Sherk et Tim Naimi déclarent avoir reçu par le passé des financements de monopoles publics de l’alcool en Finlande, en Suède et au Canada pour mener des recherches sur l’alcool à visée de santé publique. Tim Stockwell et Tim Naimi ont également perçu par le passé des honoraires personnels de ces organismes pour les mêmes objectifs. Tim Stockwell et Tim Naimi ont aussi reçu un soutien pour leurs déplacements de la part de l’IOGT-NTO, une organisation non gouvernementale à but non lucratif militant contre la consommation d’alcool, afin de préparer des rapports sur l’alcool et la santé. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38289182/
[2] https://www.nationalacademies.org/projects/HMD-FNB-23-06
[3] « Les études incluant des cohortes plus jeunes et distinguant les anciens buveurs et les buveurs occasionnels des abstinents estimaient un risque de mortalité similaire pour les consommateurs de faible quantité d’alcool (RR = 0,98 ; IC 95 % [0,87, 1,11]) et pour les abstinents. » selon Stockwell T, Zhao J, Clay J, Levesque C, Sanger N, Sherk A, Naimi T. Why Do Only Some Cohort Studies Find Health Benefits From Low-Volume Alcohol Use? A Systematic Review and Meta-Analysis of Study Characteristics That May Bias Mortality Risk Estimates. J Stud Alcohol Drugs. 2024 Jul;85(4):441-452. doi: 10.15288/jsad.23-00283. Epub 2024 Jan 30. PMID: 38289182.
[4] « Il y avait un risque significativement accru de mortalité toutes causes confondues chez les femmes buveuses qui buvaient 25 grammes ou plus par jour et chez les buveurs de sexe masculin qui buvaient 45 grammes ou plus par jour », selon Zhao J, Stockwell T, Naimi T, Churchill S, Clay J, Sherk A. Association Between Daily Alcohol Intake and Risk of All-Cause Mortality: A Systematic Review and Meta-analyses. JAMA Netw Open. 2023 Mar 1;6(3):e236185. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2023.6185.
[5] « Nous concluons que l’affirmation selon laquelle « il n’existe pas de niveau sûr » de consommation d’alcool n’est pas suffisamment étayée au regard de nos connaissances scientifiques actuelles. », Castriota S, Frumento P, Suppressa F. How much is too much? A methodological investigation of the literature on alcohol consumption and health. Journal of Wine Economics. 2025;20(3):222-234. doi:10.1017/jwe.2025.10077
[6] « L’analyse montre clairement que le vin se distingue des autres boissons alcoolisées et que sa consommation modérée non seulement n’augmente pas le risque de maladies chroniques dégénératives, mais est également associée à des bénéfices pour la santé, en particulier lorsqu’il est intégré à un modèle alimentaire méditerranéen. », Hrelia S, Di Renzo L, Bavaresco L, Bernardi E, Malaguti M, Giacosa A. Moderate Wine Consumption and Health: A Narrative Review. Nutrients. 2022 Dec 30;15(1):175. doi: 10.3390/nu15010175. PMID: 36615832; PMCID: PMC9824172
[7] « Les modes de consommation, en termes de fréquence et de quantité de vin consommée, ainsi que le fait de boire avec ou sans repas, sont des facteurs déterminants des effets biologiques du vin.Les pratiques de consommation à risque ou nocives, incluant la consommation régulière de grandes quantités de vin ou l’ingestion massive en une seule occasion (binge drinking), doivent être découragées. Il est donc recommandé de consommer le vin en accompagnement des repas et d’alterner avec une boisson non alcoolisée, comme de l’eau. », selon Boban M, Stockley C, Teissedre PL, Restani P, Fradera U, Stein-Hammer C, Ruf JC. Drinking pattern of wine and effects on human health: why should we drink moderately and with meals? Food Funct. 2016 Jul 13;7(7):2937-42. doi: 10.1039/c6fo00218h. PMID: 27359203.
[8] « Les buveurs modérés ayant des épisodes de consommation excessive présentaient plus du double des chances de mortalité à 20 ans par rapport aux buveurs modérés réguliers. », selon Holahan CJ, Schutte KK, Brennan PL, Holahan CK, Moos RH. Episodic heavy drinking and 20-year total mortality among late-life moderate drinkers. Alcohol Clin Exp Res. 2014 May;38(5):1432-8. doi: 10.1111/acer.12381. Epub 2014 Mar 3
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